Les vieux mariés
Il est en haut allongé sur son lit blanc
Il ne respire déjà plus que faiblement
Veillé par sa famille
Elle est en bas debout dans la cuisine
Soutenue par ses cousins, ses cousines
Et puis sa fille
Chère maman, papa va bientôt partir
J’ai peur, que vas-tu donc devenir ?
Lui demande-t-elle
Ma fille, ne te fais pas de soucis
Je serai bien sûr toujours avec lui
Lui répond-elle
Ils sont mariés depuis plus de soixante ans
Mais ils n’ont pas vu passer le temps
Toute une vie
Ils sont ensemble depuis si longtemps
Qu’ils ont même oublié le temps d’avant
D’une autre vie
Ils ont élevé quatre beaux enfants
Ils sont même arrière-grands-parents
D’une petite fille
Ils ont eu une longue et belle vie
Une maison, une grande famille
Dieu merci
Cela pourtant n’a pas toujours été facile
La vie n’est pas toujours aussi gentille
Au long de la route
Il a fallu y aller, bosser, travailler dur
Entre boulot, pitances et progéniture
Parfois on doute
Mais ce soir c’est le bout du voyage
Ce soir, c’est la fin de leur mariage
L’heure de l’adieu
Plus de mots doux, plus de sourires
Plus de « je t’aime » qu’on peut se dire
Les yeux dans les yeux
Au soir, la famille descend lentement
Elle les interroge du regard seulement
Essuie une larme
Sans se presser, elle monte l’escalier
Doucement près de lui vient s’allonger
Et rend son âme
On les a trouvés au petit matin
Allongés côte à côte à jamais sereins
Se tenant par la main
La famille réunie les a enterrés hier
Ensemble tout au fond du cimetière
Un beau jardin
Charles-Henry Moser
Octobre 2018